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Le MediaPort de l'INA

Publié dans les Cahiers de la Francophonie n°4 « Afrique, quel marché de la culture ? », octobre 1996

L'Institut National de l'Audiovisuel se situe à l'un des carrefours stratégiques des inforoutes, celui des contenus. En effet, l'INA dispose d'archives considérables, appelées à se développer dans le cadre du Dépôt Légal de l’audiovisuel (Inathèque de France). Par ailleurs, l'Institut a développé depuis plusieurs années des recherches dans le domaine des images de synthèse et des images virtuelles, dont les observateurs s'accordent à dire qu'elles vont jouer un rôle prédominant sur ces "inforoutes".

La naissance du projet

En février/mars 1994 au sein de la Direction de la Recherche de l'INA, nous sommes plusieurs à décider qu'il devient vital pour nos équipes de se connecter au réseau Internet. Les débuts sont modestes : une connexion sur une liaison spécialisée analogique avec un modem a 14400 bps. A cette époque, l'Internet n'est pas encore aussi médiatisé qu'aujourd'hui, mais c'est déjà le début de la grande explosion du Web.

En dehors de l'utilisation purement professionnelle liée a nos activités de recherche, chacun butine sur le réseau en fonction de ses goûts et centres d’intérêt, et plusieurs d'entre nous (David Geldreich, Fabrice Gaillard, Agnès Saulnier, Marie Luce Viaud) commencent a créer quelques pages Web, présentant soit leurs activités de recherche au sein de l'INA (projet télévirtualité, projet animation 2000), soit des documents artistiques tels que Artichaud (présentation d’oeuvres d’artistes français indépendants) et Musiques Afro-Caribbéennes (base de données discographique sur la musique africaine et antillaise). C'est ainsi que débute de façon spontanée le premier serveur Web de l’INA.

En septembre 94, constatant le retard de la France sur Internet, et le succès encourageant de ce premier serveur, l’INA décide de passer à la vitesse supérieure et charge deux jeunes informaticiens, Pascal Vuylsteker et Pascal Guilloteau, de monter une plate-forme d’hébergement de contenu culturel francophone sur le Web. C’est ainsi que débute officiellement le projet CyberPort avec pour mission le développement d’un site serveur réunissant des médias audiovisuels et francophones, conjointement avec une augmentation du débit de notre liaison qui passe alors à 64 Kbps.

IMAGINA 95

Le MediaPort (nom officiel) sera dévoilé à la communauté Internet en février 95 à l’occasion du salon Imagina 95. A cette époque, outre la présentation d'informations générales concernant l'INA et Imagina, il hébergeait déjà le Monde diplomatique (premier journal français présent sur le Web, avec à l'époque quatre mois d'archives en libre accès), le Club d’Investissement Media (activités, appels à projet, guide des formations multimédia européennes, extrait d’oeuvres audiovisuelles et bourse à l’emploi), La Principauté de Monaco (partenaire d'Imagina), Portraits de Mots (enrichissement d’un ouvrage de photographies par consultation hypertexte), les Humains Associés (organisation non gouvernementale culturelle, écologique et multimédia) et bien sûr Artichaud et Musiques Afro-Caribbéennes.

MASA 95

Les hasards de la navigation sur le réseau nous ayant permis de découvrir la maquette de serveur de l'association Zone Franche, contact est pris et une démonstration commune réunissant Musiques Afro-Caribbéennes et Zone Franche est organisée lors du Marche des Arts du Spectacles Africains (MASA) à Abidjan en mai 1995. C'est l'occasion pour nous de nouer de nombreux contacts dans le domaine des arts et de la culture.

IMAGINA 96

Le MediaPort a régulièrement enrichi son contenu durant l’année 96. Un développement essentiel a bien sûr été d’impliquer chaque entité de l’INA dans l’apport d’informations conséquentes. Le MediaPort a par ailleurs développé un pôle - AfricaNet - et un projet - CyberScience -.
CyberScience est un panorama des applications significatives de l’infographie 3 Dimensions à des fins scientifiques et techniques. En pratique, c’est plus de 160 extraits vidéo et 400 images qui sont présentés et commentés dans ces pages.
Concrétisation des contacts pris lors du MASA, le pôle AfricaNet regroupe maintenant des entités comme Zone Franche, Afrique en Création, Afrique en Scène et poursuit son développement.
De son côté, le Monde diplomatique a connu un franc succès international et présente maintenant deux années d'archives en ligne. IMAGINA 96 a également été le cadre d'une table ronde sur le thème "Internet Nord-Sud" organisée conjointement par l'INA et le Monde diplomatique. Cette table ronde a été accompagnée par la mise en place d'un forum électronique (une liste de discussion) permettant a des centaines d’interlocuteurs situés sur toute la planète d'échanger leurs points de vues sur ce sujet.

Le souci fondamental des responsables du serveur est d’atteindre le maximum de personnes. Pour cela, et compte tenu du public international visé, nous avons dès le départ choisi de présenter une double version français-anglais du serveur. Toutes les pages n'ont pas été traduites (c'est par exemple le cas pour Le Monde diplomatique), mais la navigation est systématiquement bilingue.

Les statistiques d’accès au MediaPort sont encourageantes. Nous envisageons de faire mieux en développant d’autres voies de diffusion. La plus intéressante actuellement semble être de recopier l’intégralité du site sur différents centres africains pour l’instant encore mal reliés à Internet (on parlera de sites miroirs). Notre partenaire pour ce projet est l’AUPELF, qui dans le cadre du réseau REFER, met en place des InfoPorts Africains.

Programme de développement du MediaPort

Le réseau Internet est devenu en peu de temps un véritable phénomène de société, qui transcende les frontières et concrétise les prédictions des futurologues sur l'émergence de la société de l'information. Désormais, le public le plus large peut disposer des fonctionnalités d'Internet pour un coût structurellement orienté à la baisse. Il faut cependant veiller à ce que l'accès aux inforoutes ne soit pas rendu inégalitaire du fait de barrières tarifaires, ou de difficultés de raccordement. A l'exemple de Jules Ferry en son temps, il faut contribuer à la "néo-alphabétisation" qu'appellent les nouvelles technologies et réduire ainsi l'écart croissant entre les "info-riches" et les "info-pauvres". Trois axes de développement nous paraissent aller dans ce sens : la création de meilleures interfaces de dialogue et de navigation sur le réseau, l'enrichissement constant du MediaPort avec la mise à disposition de documents variés en libre accès et enfin l'hébergement et le partenariat avec d'autres sites afin de créer une dynamique de synergies, visant à la reconnaissance internationale et au développement de la francophonie sur Internet.

1. La recherche sur les interfaces de dialogue et de navigation.
L'hybridation des techniques de représentation 3D et des techniques de navigation sur les réseaux représente une évolution inévitable. On peut ainsi visiter des espaces virtuels tels que villes, musées, salons d'expositions, examiner des simulations 3D de produits présentés sur catalogue, visualiser en 3D des données économiques, médicales,... Le MediaPort sera un terrain d'expérimentation idéal de ces nouvelles interfaces 3D, compte tenu de la richesse et de la variété de son fonds documentaire, nécessitant des outils puissants de "navigation virtuelle". L'INA développe un programme de recherche sur la "télévirtualité", c'est-à-dire le partage à distance de mondes virtuels interactifs par plusieurs personnes en situation de télétravail collectif.

2. La consultation d'archives audiovisuelles.
Il est également envisagé de procéder à la mise à disposition sur le réseau Internet d'extraits des archives audiovisuelles de l'INA et de permettre la consultation du catalogue des oeuvres disponibles pour le public (cassettes vidéo, disques compacts). Le développement concerne la gestion de bases importantes de données multimédias en tirant le meilleur parti des possibilités du Net et des langages comme Java et VRML.

3. Mise en place d’une politique d’hébergement et de partenariat.
L'extraordinaire croissance des sites présents sur Internet va inévitablement entraîner une très forte compétition. Internet est actuellement à plus de 95% dominé par des références anglo-saxonnes. C'est pourquoi il importe aux divers partenaires francophones intéressés par une présence mondiale sur ce réseau d'atteindre une certaine masse critique et une notoriété suffisante, ne serait ce que pour bénéficier de renvois de pointeurs et de citations par les principaux "guides" qui servent d'annuaires sur Internet. A cette fin il est à notre sens nécessaire de regrouper les efforts et de mettre en place des synergies, notamment en proposant des ensembles cohérents de services et d'informations en colaboration avec d’autres serveurs francophones (par exemple canadiens ou belges).
Le MediaPort ne cache pas son ambition de devenir un site serveur francophone important d'Internet, en proposant non seulement des archives audiovisuelles, photographiques et sonores venant de l'INA, mais aussi des archives de textes de référence sur l'audiovisuel (en liaison avec le CSA), et en pratiquant une collaboration mutuellement fructueuse avec d'autres partenaires comme Le Monde diplomatique.
Dans ce sens, le développement du pôle AfricaNet avec la mise en commun de différentes bases de données et la mise en place d'une politique de diffusion / réplication de ces information sur le continent africain en partenariat avec l’AUPELF est significative de cette volonté.

Enfin, à partir de l’expérience de MediaPort, l’Institut peut valoriser ses compétences en matière d’études socio-économiques et d’expertises pour observer et analyser les comportements des publics et les usages sociaux induits par le développement rapide des réseaux, des nouvelles images, de l’interactivité, en liaison avec l’évolution des technologies et des logiciels.

Par ses missions et ses différentes activités dans les secteurs de l’image et du son, l’INA a assurément un rôle actif à jouer dans le domaine des autoroutes de l’information. Pour ce faire, l’Institut doit se doter des moyens nécessaires pour poursuivre une stratégie efficace à long terme afin de permettre à MediaPort de devenir un site de référence du monde francophone.

Fabrice Gaillard (gaillard@ina.fr)
Pascal Vuylsteker (pvk@ina.fr)
Philippe Quéau (queau@ina.fr)


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